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Mois Année
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"Découvrons la Galilée
avec Mozart"
Décembre 2020

Un petit signe pour éclaircir un mystère.

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Avant de poursuivre notre voyage dans le cœur, la vie et les œuvres de Mozart, nous tenons à vous remercier de vos retours et commentaires faits sur nos newsletters dont la lecture intéresse un pourcentage élevé de nos abonnés.

Nous avions initialement prévu de préparer une nouvelle newsletter sur un sujet que traitera le symposium musical en marge du Festival 2022 mais l’actualité nous oblige à différer l’envoi de cette lettre.

Quelle actualité, quel article et quelle découverte nous inspirent en cet instant ? Rien à voir avec la Covid 19 ou la découverte de candidats vaccins...

Il s’agit de la lecture d’un article publié dans le journal le Figaro qui apporterait, selon son auteur, un « nouvel éclairage » sur les idéaux maçonniques de Wolfgang. Cet article, dont le titre commence comme une fable « Maître Mozart par la Franc Maçonnerie captivée... »,[1] traite de l’étude récente d’une lettre de Mozart à son père Léopold écrite à Vienne le 4 avril 1787 alors que ce dernier était atteint d’une grave maladie (il s’éteindra le 28 mai). Nos lecteurs comprendront dès lors pourquoi nous ne pouvions passer outre cette nouvelle pour clore ce chapitre sur les penchants maçonniques de Wolfgang.

Le parcours de cette lettre constitue déjà une épopée racontée par Philippe Gault pour Radio classique :

« Révélée en 1829 dans la biographie de Mozart écrite par Georg Nikolaus Nissen[2], personne ne savait où était passée l’originale qui, contrairement à la majorité de la correspondance de la famille Mozart, avait échappé au Dommusikverein und Mozarteum, créé en 1841 (ancêtre de la Fondation Mozarteum). La fameuse lettre aurait été léguée par Franz Xaver Wolfgang, le dernier des six enfants de Mozart[3], à sa compagne ».

[1] Cf. Le Figaro 20 novembre 2020 « Maître Mozart par la Franc-maçonnerie captivé » par Thierry Hillériteau.

[2] Georg Nikolaus Nissen a été le second époux de Constance Mozart.

[3] Franz Xaver Wolfgang Mozart (1791-1844) a étudié la musique à Prague et à Vienne entre autres avec Hummel et Salieri. Il fut comme son père un enfant prodige ; il publia à l’âge de onze ans un quintette avec piano.

« L’identité des propriétaires suivants de la précieuse missive est assez mystérieuse. On la retrouve chez un juriste viennois en 1877 puis dans les collections du musée d’Histoire de la musique de Wilhelm Heyer à Cologne avant qu’elle ne se perde lors de 4 ventes aux enchères du fonds de ce musée à Berlin dans les années 1920 et qu’elle réapparaisse à une date inconnue entre les mains d’Albi Rosenthal, célèbre antiquaire spécialisé dans les autographes musicaux. Le dernier propriétaire de la lettre, fut Maurice Sendak[4] qui les céda en 2012, au Rosenbach Museum & Library. Le musée de Philadelphie qui a donc décidé de vendre au début de l’année 2020 trois lettres originales à la Fondation Mozarteum de Salzbourg dont celle-ci ».

[4] Maurice Sendack (1928-2012) est un écrivain américain célèbre pour son album « Max et les maximonstres ». 
https://www.youtube.com/watch?v=0IVSXCDRFvg

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Comme nous l’avons indiqué dans notre 3ème newsletter[5], si le parcours franc-maçon de Mozart dans les sept dernières années de sa vie, nous est connu, c’est principalement grâce aux archives retrouvées dans les loges viennoises. En dehors des quelques opus musicaux connectés à la Franc-maçonnerie (des cantates, sa Musique funèbre maçonnique ou La Flûte enchantée)[6], les témoignages émanant du musicien ou de sa famille sur son appartenance au mouvement sont rares[7].

Il faut rappeler que si l’Empereur Joseph II d’Autriche, despote éclairé et lui-même mélomane[8] autorisa la représentation des Nozze di Figaro tirée de la pièce de Beaumarchais censurée en France, les idées révolutionnaires importées de France font peur[9] poussant Joseph II puis Leopold II à placer les francs-maçons, sous une surveillance policière car il voit d’un mauvais œil ces réunions secrètes remettant en cause son pouvoir absolu. On comprend alors pourquoi la correspondance privée de Mozart a pu être purgée de toutes allusions à son engagement maçonnique qui pourraient devenir compromettantes ; « Mozart n’est pas mort en odeur de sainteté ».

Cette touchante lettre n’était pas inconnue des spécialistes et biographes du compositeur[10], mais elle avait « suscité un certain scepticisme » et personne n’avait tiré tous les enseignements de sa lecture.

« Mon très cher père,
... J’apprends que vous êtes sérieusement malade ! Avec quel ardent désir j’attends de vous-même des nouvelles moins alarmantes. Je n’ai vraiment pas besoin de vous le dire...
Comme la mort (si l’on considère bien les choses) est le vrai but de notre vie, je me suis familiarisé depuis quelques années avec cette véritable et meilleure amie de l’homme, de sorte que son image non seulement n’a pour moi plus rien d’effrayant, mais m’est très apaisante et consolante ! Et je remercie mon dieu de m’avoir accordé́ le bonheur de saisir l’occasion (vous me comprenez) d’apprendre à la connaître comme la clé de notre véritable félicité ».


C’est le passage dans lequel Mozart évoque la mort qui interpelle les exégètes. Il faut dire que ces lignes sont étonnantes sous la plume d’un homme qui n’a alors que 31 ans.

Selon Thierry Hillériteau « il avait toujours été difficile de rattacher avec certitude cette lettre à la pensée maçonnique ».

Bien sûr, Jean et Brigitte Massin rappelaient la place que a question de la mort tenait dans l’initiation maçonnique : « ...Mis à mort par l’ignorance, le fanatisme et l’ambition, il est rappelé à la vie par le savoir, la tolérance, et le détachement... » [11].

Philippe Gault pour Radio Classique rappelle en outre que Mozart appréciait la lecture de Moses Mendelssohn[12] et de Gotthold Ephraïm Lessing[13] qui ont développé des pensées sur l’image positive de la mort (à mettre en parallèle avec cette idée de la mort comme clé de la félicité).

La redécouverte de cette lettre jamais présentée dans aucune collection publique et son étude par Ulrich Leisinger[14] (au centre sur la photo) confirmerait le rattachement de Mozart à la pensée franc-maçonnique.

En observant l’original Ulrich Leisinger observe un détail qui attire son attention : « Juste à côté de la signature, après l’abréviation “manu propria”, on déchiffre un petit symbole qui s’apparente clairement à deux triangles entremêlés : l’un pointe vers le haut, l’autre vers le bas ». Un triangle hiéroglyphe maçonnique que l’on retrouve dans de rares documents qui sont liés à la franc-maçonnerie, comme une lettre que Léopold Mozart adresse le 8 juillet 1785 à son « estimable ami et frère » l’éditeur franc-maçon Pasquale Artaria, ainsi qu’une note de Mozart lui-même le 30 mars 1787 dans le livre d’or de son frère de loge Johann Georg Kronauer « Patience et tranquillité d’esprit contribuent plus à soigner nos maux que tout l’art de la médecine ».

[5] Cf  NL 3 « Mozart le Religieux autrement » - 1784 Le tournant maçonnique.

[6] Cf. nos NL n°3 op.cit. et NL n°4

[7] Cf. article du Figaro 20 novembre 2020 op.cit.

[8] Milos Forman reprend dans son film Amadeus, une scène amusante dans laquelle, d’après Nissen, l'empereur, donne son opinion à la fois admirative et légèrement dépassée à propos d’un air de l’Enlèvement au Sérail qui comporterait « trop de notes ». https://www.youtube.com/watch?v=H6_eqxh-Qok 

[9] Beaucoup de Francs-Maçons accueillent les idées révolutionnaires avec enthousiasme et en font peu ou prou la propagande.

[10] En premier lieu le Baron von Nissen second époux de Constance en fait mention dans la bibliographie de Mozart publiée en 1829. Jean et Brigitte Masson la citent également dans leur ouvrage avec une note sur laquelle nous reviendrons. Jean-Victor Hocquard également y fait référence dans son Mozart - 1958 - Plon.

[11] Cf. op.cit. in Jean & Brigitte Massin, Mozart 1958 - CFL page 999.

[12] Moses Mendelssohn (1720-1786) : grand philosophe juif et grande figure des « Lumières juives » (Haskala), il est le grand père du compositeur Felix Mendelssohn-Bartholdy. Traducteur pour le public germanophone du Discours sur l’origine de l’inégalité de Rousseau, il est également l’auteur du Phédon ou entretiens sur l’immortalité de l’âme paru en 1767 dont Mozart avait un exemplaire dans sa bibliothèque.

[13] Gotthold Ephraïm Lessing (1729-1781) : dramaturge, critique littéraire et philosophe. Forme avec M. Mendelssohn le groupe « éclairé » de Berlin. Il est notamment connu pour sa pièce « Nathan le Sage » qui met en scène les trois grandes religions monothéistes et qui prône la tolérance active, pierre de touche de la piété. https://www.youtube.com/watch?v=WGraxZa0N8U

[14] Ulrich Leisinger est Directeur du département de recherche au Mozarteum.

Autographe de Mozart sur sa lettre du 4 avril 1787 à son père malade [15]

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[15] Il est possible de consulter certains de ces documents numérisés sur le site du Mozarteum dont dorénavant la lettre de Wolfgang à son père. https://dme.mozarteum.at/DME/briefe/letter.php?mid=1614&l=2  voir la page 3 avec la signature de Mozart. 

Autographe de Leopold Mozart sur sa lettre du 8 juillet 1785 à Artaria

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Autographe de Mozart sur le livre d’or de J.G. Kromauer [16]

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[16] J.G. Kronauer (1743-1799) était collectionneur d’autographes de maçons connus. Sous le texte « Patience... » Mozart signe le livre d’or en tant que « vrai et sincère ami et frère de loge »  http://data.onb.ac.at/rep/1004802B , page 95 du catalogue. 

En avril et en mai 1787, Mozart compose coup sur coup deux quintettes pour cordes (le Do majeur K. 515 composé le 19 avril 1787 et le Sol mineur K. 516 composé le 16 mai 1787). Il a été dit que le Quintette en Sol représentait le commentaire de la lettre de Mozart.

Ce n’est pas l’avis de Jean-Victor Hocquard[17] pour qui la lettre de Mozart à son père « affirme dogmatiquement la foi en l’immortalité ... ; et théoriquement l’aspect bienheureux de la mort ». Or, pour J-V Hocquard « les deux quintettes évoquent l’aspect douloureux et angoissant de la mort ».
 
Mais pour Jean et Brigitte Massin, après l’adagio pathétique de la première partie du final le quatrième mouvement du Quintette en Sol mineur s’achève par un allegro qui écarte le tragique ... « c’est qu’il faut continuer à vivre et ... arracher son regard du plus douloureux ».
 
C’est donc sur les notes de l’extrait de l’adagio-allegro du Quintette en Sol mineur (à écouter) que nous mettrons un point d’orgue sur les aspects maçonniques de la vie et de l’œuvre de Mozart.

[17] Jean-Victor Hocquard, Mozart 1958 - Seuil

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